Les enfants, la Protection de l'Enfance et les parents

par Synnøve Gran Christiansen
Traduit par Micheline Grundt, cand.philol., lexicographe
 

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Cet article a été publié le 25 novembre 1995 dans le journal norvégien "Notre Pays" (tendance politique : Parti chrétien populaire). Il est reproduit ici avec l'accord de l'auteur.
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A la fin d'octobre l'Association pour la Protection de l'enfance dans le département du Hordaland, a organisé à Bergen une conférence dont le sujet était "Faut-il défendre les enfants contre la Protection de l'Enfance?". Un des conférenciers était Lars Sponheim, leader du parti Venstre (socio-libéral). Un reportage, qui rendait compte de la conférence de L. Sponheim, a donné également le commentaire de Valgerd Svarstad Haugland, leader du Parti chrétien populaire. Elle se déclare en désaccord avec L. Sponheim en ce qui concerne les nombreux abus de pouvoir des services de la Protection de l'Enfance. V. Svarstad Haugland estime au contraire que beaucoup de gens ne devraient pas être parents et que la Protection de l'Enfance devrait prendre encore plus d'enfants. Elle a déjà exprimé cette opinion; c'était quand la Norvège s'est fait blâmer par la Commission européenne des droits de l'homme, au sujet d'un cas où la Protection de l'Enfance avait séparé une mère de son enfant nouveau-né.

La déclaration de V. Svarstad Haugland trahit une méconnaissance surprenante de la vie des gens ordinaires. Dans un parti politique farouchement opposé à l'avortement, on s'attendrait à de la tolérance et de la compréhension devant des situations où les parents luttent pour conserver leurs enfants, V. Svarstad Haugland parle des nombreux parents qui sont incapables de se montrer des éducateurs. Il se peut que bien des gens n'aient pas beaucoup d'aptitude à l'état de parent. Mais quand ces gens ont choisi d'avoir des enfants et de devenir des parents, va-t-on les contraindre à faire adopter ces enfants? Ou bien est-ce la Protection de l'Enfance qui va sélectionner à l'avance ceux qui sont destinés à se montrer aptes et ordonner la stérilisation des "inaptes"? Tout ceci n'est pas digne d'un Etat de droit, mais relève d'un régime dictatorial.

Ce qui arrive dans beaucoup de cas, où la Protection de l'Enfance intervient et retire les enfants à leurs parents, est si terriblement grave et lourd de conséquences qu'on ne peut pas le balayer en prétendant que plus d'enfants encore seraient à retirer. Quel que soit le nombre de ces derniers, il n'a rien à voir avec le fait que la Protection de l'Enfance intervient dans bien des cas sans aucune raison sérieuse. Chacun de ces abus de pouvoir est si révoltant et tragique, qu'il n'est en rien contrebalancé par le fait que la Protection de l'Enfance devrait soustraire à leurs parents beaucoup d'enfants qui restent hors de son atteinte. De même, la police ne prétendrait pas que le chiffre des crimes, élucidés ou non, pourrait justifier une erreur judiciaire dans d'autres cas.

Nombreux sont les foyers où les parents, en couples ou isolés, sont fatigués, harassés, se battent avec des difficultés de tous genres et, même, ne sont pas ordonnés. Rien de tout cela ne sort des conditions ordinaires de la vie de chacun. La plupart de ces parents sont tout à fait en état de donner affection et sollicitude à leurs enfants, quoi que puissent raconter les "pronostics" des experts. (Un test qu'utilise la Protection de l'Enfance établit le diagnostic "immature" ou "n'a pas le sens des réalités" quand le testé répond "oui" à la question concernant sa croyance en Dieu,) Je ne parle pas ici des alcooliques, des enfants qui se droguent dans la rue ou qui se plaisent à commettre des dégats, mais des gens ordinaires dont quelques uns, peut-être, dans quelque phase de leur vie, auront besoin d'aide ou de soutien économique. Mais ils n'osent plus s'adresser aux services sociaux dans la peur où ils sont de la loupe de la Protection de l'Enfance; non pas parce qu'ils ont quelque chose à cacher, mais parce que tout ce que la Protection de l'Enfance trouve "utile" est employé contre les familles.

Si la Protection de l'Enfance est confrontée à tant d'affaires où elle ne réussit pas à intervenir, là où nous estimons tous que son intervention est absolument nécessaire, pourquoi tourmenter tant de familles où une séparation des parents et des enfants est injustifiée et signifie une tragédie irréparable.